La méthode SHŌTŌKAN – l’héritage de FUNAKOSHI Gichin
En mai 1922, un instituteur d’Okinawa, FUNAKOSHI Gichin (1868-1957), est envoyé à Tōkyō pour présenter le TŌDE 唐手 (ancien nom du Karaté 空手) lors de la première « Exposition Athlétique de Tout le Japon ».

Sous l’impulsion notamment de KANŌ Jigorō (1860-1938), célèbre fondateur du Jūdō, FUNAKOSHI Gichin restera à la Métropole pour y propager son art.
Après la mise en place en 1930 de la DAI NIHON KARATE-DŌ KENKYŪKAI (« Groupe d’Etude du Karaté-do du Grand Japon » 大日本空手道研究会) aux fins de promouvoir la pratique du Karaté, devenue en 1936 la DAI NIPPON KARATEDŌ SHŌTŌKAI (« Association de Shoto du Grand Japon » 大日本空手道松濤会), il est décidé de construire un Dōjō central dans le quartier Meijuro à Tōkyō.
La construction de l’édifice débuta en 1938 et le Dōjō fut inauguré le 29 janvier 1939, par FUNAKOSHI Gichin, en compagnie de son fils FUNAKOSHI Gigō (1906-1945) et de nombreuses personnalités, tels par exemple SAIGO Kichinosuke (1906-1997) et ASAHINA Sogen (1891-1979).

Les élèves de FUNAKOSHI Gichin prirent l’initiative de nommer ce Dōjō « SHŌTŌKAN » 松濤館 (littéralement « la demeure de Shōtō ») en reprenant le nom de poète de leur professeur (« SHŌTŌ ») :
松濤 SHŌTŌ : « vague dans les pins »,
松 SHŌ = MATSU : pin,
濤 TŌ = NAMI : vague,
館 KAN : demeure, bâtiment, édifice.

Au sujet de son nom de poète, FUNAKOSHI raconte qu’il provient du son du vent qui produit des ondulations dans les branches des pins, qui ressemblent alors à des vagues.
Dans sa biographie « Karaté-Do, ma voie, ma vie » (1956), il explique ainsi :
« SHURI, ma ville natale, est entourée de collines couvertes de pins et de végétation subtropicale. Parmi elles se trouve le Mont TORAO [aujourd’hui TORAZUYAMA ou TURAJIYAMA], appartenant au Baron CHOSUKE, l’un de mes premiers mécènes à Tokyo. Le mot TORAO signifie « queue du tigre ». Il décrit fort bien cette montagne très étroite et extrêmement boisée qui ressemble tout à fait à la queue d’un tigre. J’avais l’habitude de gravir le mont TORAO, parfois de nuit, quand la lune était pleine ou sous le scintillement des étoiles. Il arrivait également qu’il y ait un peu de vent. On pouvait alors entendre le bruissement des pins et sentir le mystère profond et impénétrable qui est à l’origine de toute vie. Pour moi, ce murmure était comme une musique céleste.
Les poètes du monde entier ont chanté les secrets qu’abritent dans leur obscure retraite les bois et les forêts ; j’ai moi-même toujours été attiré par cette solitude enchanteresse dont ils sont le symbole. J’étais un enfant unique à la santé fragile, et il est possible que mon amour de la nature en ait été exacerbé. Sans être vraiment un solitaire, j’aime à flâner seul après un intense entraînement de Karaté.
J’avais alors une vingtaine d’années et travaillais comme enseignant à NAHA. Je fréquentais une île de la baie, longue et étroite, qui pouvait s’enorgueillir d’un splendide parc naturel appelé OKUNOYAMA. On y trouvait des pins majestueux et un étang de lotus, et pour toute présence humaine un temple Zen…
A cette époque, je pratiquais déjà le Karaté depuis plusieurs années. Et plus je progressais, plus je prenais conscience de sa dimension spirituelle. J’aimais déjà enfant m’isoler dans la nature, et jouir de la solitude tout en écoutant le vent siffler dans les branches des grands pins me semblait le meilleur moyen de parvenir à la paix de l’esprit que le Karaté exigeait. Aussi n’avais-je pas trouvé de meilleur nom que SHOTO pour signer les poèmes que j’écrivais alors ».
Si le Dōjō SHŌTŌKAN fut détruit sous les bombardements américains en avril 1945, il n’en demeure pas moins que ce nom perdura et finit par désigner une méthode de pratique qui a été portée par de nombreux élèves des FUNAKOSHI, père et fils.
Aujourd’hui le « SHŌTŌKAN » est pratiqué dans le monde entier, bien qu’il faille admettre que plusieurs styles et tendances au sein même de la méthode ont émergé et doivent se distinguer.
Notre vision du Karaté
Pour notre part, nous entendons le SHŌTŌKAN comme une méthode de Karaté qui insiste sur des choix pédagogiques clairs, mettant en avant « l’étude et l’exploitation des extrêmes » (des postures, des mobilités, des distances, des amplitudes, etc…) aux fins de fixer un cadre dans lequel on peut ensuite évoluer en toute liberté.
Il s’agit d’un art de combat reposant sur la connaissance et l’étude de techniques à mains nues, se développant par la pratique cohérente, complémentaire et indissociable du KATA, du KIHON et du KUMITE, ayant pour buts la maîtrise technique, le développement personnel et le perfectionnement du caractère de ses pratiquants.
Synthèse rédigée par Emmanuel Hoen.

